Le prix politique du gaz

Publié le par Stéphane Legrand

Alors que la baisse du pouvoir touche de plus en plus de français, l'augmentation ininterrompue du prix réglementé du gaz met en cause l'accessibilité du plus grand nombre à cette source d'énergie.

Depuis 1946, Gaz de France était le service public national du gaz en France.

En 2004, la loi 2004-803 du 9 août 2004 transforme l'EPIC en société anonyme et autorise sa privatisation partielle en limitant à 30 % la part d'intérêts. A l'époque, le ministre de l'économie, un certain Nicolas Sarkozy, jure que l'État ne descendra pas en dessous du seuil de 70% fixé par la loi.

Toutefois la situation a continué d'évoluer. Officiellement pour contrer la menace d'OPA hostile de l'Italien ENEL sur le groupe privé SUEZ, le 25 février 2006 le gouvernement UMP annonce la fusion de GDF avec Suez.

Les promesses de Sarkozy et ses reniements
Pour de nombreux français, cette fusion est en fait une privatisation déguisée de Gaz de France car la participation de l'État doit mécaniquement baisser non seulement en dessous du seuil de 70% fixé par la loi de 2004 préparée par le ministre de l'économie Nicolas Sarekozy mais aussi en dessous des 50 %. A l'inverse, en Belgique, plusieurs responsables politiques se sont inquiétés du contrôle par l'État français d'une part importante de la production et distribution d'énergie en Belgique. Le niveau exact de la participation publique dans l'éventuel ensemble fusionné est tributaire de la nature exacte de la fusion et des valorisations respectives des deux sociétés. Un niveau de 34% de participation publique fut évoqué dans un contexte fortement polémique. Nicolas Sarkozy prétend s'être opposé pendant plusieurs mois au projet de Dominique de Villepin, pour ensuite accepter la proposition gouvernementale.

La solution : faire payer aux consommateurs le coût de la fusion
La fusion des deux groupes a tardé, le temps que Nicolas Sarkozy se décide à se rallier aux choix industriels de Dominique de Villepin. Dans le même temps, il y avait dans l’évolution des valorisations des deux groupes un problème de bouclage financier. Il fallait soit que GDF grossisse ou que Suez maigrisse, en tous cas il n’était guère possible que de l’argent public soit versé à des actionnaires privés pour qu’ils prennent le contrôle d’une entreprise publique (la soulte de 1 euro était passée à 5 euros par titre Suez). Un des solutions trouvées consistait à filialiser Suez Environnement et à en distribuer les actions à hauteur de 65% aux actionnaires actuels de Suez.
L'autre solution a été de faire grossir GDF en utilisant la recette simple de l'augmentation du prix du gaz, donc en faisant payer le consommateur.
Ainsi, le consommateur a financé la fusion GDF-Suez. Bien sûr, le président de GDF, Jean-François Cirelli a bien réfuté cet argument dans l'augmentation ininterrompue du gaz. Il est allé jusqu'à dire que GDF subventionnait la molécule (c'est à dire que GDF vendait à perte) alors que sa société engrangeait des milliards d'Euro de bénéfices et faisait sans cesse le siège du ministère des finances pour augmenter le tarif réglementé du gaz.

Du monopole public aux oligopoles privés
Le marché européen de l’énergie sera animé par un oligopole de champions européens nouant des rapports de puissance avec les Etats-entreprises russe, algérien et arabe pour l’approvisionnement pétrolier et gazier. La stratégie de libéralisation européenne fondée sur la multiplication des nouveaux entrants, la désintégration verticale des groupes européens, la régulation concurrentielle de Gazprom, pour assurer la compatibilité des objectifs de compétitivité et de sécurité d’approvisionnement, n’est guère crédible. La fusion de Suez et de GDF renforce l’oligopole européen et rend plus vraisemblables les accords de réciprocité avec Gazprom ou Sonatrach : ouverture du marché contre accès direct à la ressource énergétique.


L'hyper-Président et les amis actionnaires
Difficile de comprendre la conversion de Nicolas Sarkozy. Dans cette affaire, un président a pour la première fois effacé Matignon, Bercy et Grenelle pour négocier avec un actionnaire individuel belge (1) les termes d’une fusion-scission.  Les liens d'amitiés ont-ils favorisé la réalisation de la fusion ? Difficile de se prononcer.

La réalité : un prix du gaz gonflé
Le 22 mai 2008, l'or noir a explosé la barre de 135 dollars le baril, pulvérisant les records atteints lors du choc pétrolier de 1979-1980. Cinq mois plus tôt, il avait allégrement franchi le seuil mythique de 100 dollars. Aujourd'hui, les analystes de la banque américaine Goldman Sachs, qui jugeaient possibles il y a quelques mois des pics à 200 dollars, avancent désormais que le baril pourrait tomber prochainement à 30 dollars.
Alors que six mois plus tôt, GDF justifiait la hausse du prix du gaz par l'augmentation du prix du pétrole (dans la réalité, les liens entre ces deux cours ne sont pas aussi systématiques), la baisse du prix du baril n'a eu aucun impact sur la facture du consommateur final.

Aujourd'hui, on nous promet une révision du prix au printemps. Mais, c'est maintenant que les français ont besoin d'une énergie à un prix raisonnable pour se chauffer...

(1) il s'agit du milliardaire belge Albert Frère, premier actionnaire individuel du groupe GDF-Suez réputé proche de Nicolas Sarkozy. Il est actionnaire du Groupe Bruxelles-Lambert et du holding suisse Pargesa détenu à part égale avec la famille canadienne Desmarais. Nicolas Sarkozy est aussi un proche de Paul Desmarais. Ce dernier était ainsi de la fête tenue au Fouquet's pour célébrer l'élection du nouveau président français le 6 mai 2007. En 2004, Nicolas Sarkozy a séjourné au domaine de Sagard au Québec appartenant à Paul Desmarais. Le 16 février 2008, Paul Desmarais a été fait Grand-Croix de la légion d'honneur.

Publié dans économie

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M
ça censure un max sur votre blog...
Répondre
A
<br /> Cela discute plutôt un max sur Aulnay Autrement. Vous nous avez explosé l'interface commentaires sur l'article "Les mille vies de Gérard Gaudron". On a réussi à débloquer le système mais on a hélas<br /> perdu des commentaires.<br /> Il va vraiment falloir qu'on passe au modèle supérieur.<br /> <br /> A ce jour, on n'a réellement censuré qu'un seul commentaire.<br /> <br /> <br /> <br />