Aulnay Always Blues : Interview du nouveau président

Publié le par Laurent Comparot

 

Bonjour Mohamed Beldjoudi. Vous êtes aux côtés de Christophe Ubelmann et Larry Skoller, l’un des fondateurs du festival Aulnay All Blues. Pouvez-vous nous rappeler l'historique du projet de sa genèse à la mémorable nomination aux Grammy Awards ?

 

Mohamed BeldjoudiMB- Notre histoire commune a débuté par une rencontre au Cap en mars 2006 lorsque j’en étais le directeur ; à l’époque j’expérimentais des croisements sur scène entre des musiciens de Blues d’Afrique de l’Ouest et des musiciens Afro-américain. Le Cap s’y prêtait pour de multiples raisons notamment son savoir-faire en matière d’éclectisme musical et lors de la programmation de Keith Be Brown je fis la connaissance de Larry Skoller. La révélation fut artistique mais aussi et avant tout humaine ; nous avions plusieurs points communs, d’abord tout deux guitaristes et surtout ayant une histoire familiale avec Chicago et une filiation affective avec le Blues…

 

Puis en confrontant nos idées respectives avec Christophe Ubelmann directeur du théâtre, lui aussi un aficionado du genre, avec qui je pratiquais depuis quelques années déjà des co-productions, je lui ai proposé la création d’un festival de Blues autour de deux axes ; la création de spectacles vivants suivie d’un enregistrement phonographique inédit permettant de communiquer autour de nos évènements. J’avoue que l’utopie de nos envies, s’est vite transformée en conte de fée lorsque notre première création avec les légendes vivantes du Chicago Blues fut l’objet d’un double album primé aux Grammy Awards… Énorme ! avec en prime un focus inégalé sur notre ville d’Aulnay-sous-Bois, territoire privilégié qui permettait grâce à l’essor de ses équipements culturels l’ouverture à l’expérimentation culturelle…

 

 

Festival, production et enregistrement musicaux, conférences et édition de livre, on s'y perd un peu dans cette profusion d'activités centrée sur le Blues. Pouvez-vous nous éclairer ?

 

MB- La diversité de nos actions s’explique avant tout par la nature même de cette musique qui est un marqueur indélébile de multiples formes d’arts, aux usa prioritairement mais par extension dans le monde entier. Cette relation historique que le Blues entretient avec l’Afrique, traduit notamment par son métissage, est propice à des formes de diffusion pluridisciplinaires.

 

Mais, c’est surtout l’histoire des millions de déportés des terres d’Afrique vers l’autre monde entrainés dans l’une des plus horribles tragédies humaines qui fonde la source de sa création.

 

La résultante de tout cela correspond avant tout à un caractère spécifique de l’espèce humaine, celle de ne jamais faiblir face à l’adversité. Les valeurs intrinsèquement enfouies dans les 12 mesures d’un Blues inspirent à jamais la dimension universelle que revêt ce genre musical ayant influencé majoritairement les musiques populaires du 20esiècle.

 

Alors que le disque fut le moyen qui aura permis de diffuser en masse cette musique faisant la richesse de certains promoteurs outre-Atlantique durant les premières décades du 20e siècle (souvent des commerçants reconvertis), nous avons décidé de renouer avec ce fabuleux procédés en imaginant un disque d’anthologie au Chicago Blues mais avec comme objectif de continuer à maintenir cette musique vivante. Et comme je le disais le cinéma, la littérature, le théâtre, la peinture, la poésie, le slam… ont contribué à diffuser la quintessence du Blues à l’échelle planétaire. Aussi, notre festival se devait donc de garder l’esprit de cette musique tout en revendiquant la diffusion la plus large possible en utilisant des concerts, disques, conférences, séances de cinéma, débats, édition d’ouvrages et autres actions culturelles…Mais surtout d’imaginer diffuser le blues dans tous les lieux culturels mais aussi la où vivent et travaillent les gens : entreprise, café, foyers club, bibliothèque, lycée, collège…

 

AulnayAllBlues2012

 

2011 a été une année exceptionnelle avec la nomination aux Grammy Awards pour l'album « Chicago Blues, a living history ». Au-delà du symbole, a-t-on bien mesuré l'extraordinaire impact de cette nomination tant en France que de l'autre côté de l'Atlantique ?


MB- Je dirais que la dimension médiatique n’a de sens que si elle permet de sceller les esprits autour de valeurs communes. Il s’agissait à l’époque de montrer qu’un festival avec si peu de moyens s’était ingénié à trouver une manière de communiquer autour d’un objectif principal ; celui de considérer le Blues comme un genre créatif et pas une musique « muséale » dont le revival tenait plus d’alibi à certaines majors de l’édition pour faire ronronner une économie du disque en perdition plutôt que de faire vivre les musiciens encore détenteurs d’un savoir ancestral.

Mais c’était aussi la possibilité de tourner la page médiatique des émeutes de 2005 qui avait enfermé la ville d’Aulnay-sous-Bois mais aussi le département de la Seine-Saint-Denis dans une image de banlieue « insécure » accentuant d’autant la fracture au sein même du territoire aulnaysien entre le Sud et le Nord de la ville. Par ailleurs, l’engouement des médias ayant permis une adhésion plus grande des institutions et des financeurs privés cela aura contribué à la montée en puissance de nos actions.

 

Le second album « Chicago Blues: A Living History The (R)evolution Continues «  a été recompensé aux Blues Music Awards 2012 à Memphis. Quel a été l'accueil de cet album dans la communauté musicale du blues ? Pensez-vous que cela puisse déboucher sur une nouvelle nomination aux prochains Grammy Awards ?

 

MB- De façon similaire aux Grammy Award de 2010, le choix a été opéré par un jury de professionnels mais ce qui nous honore c’est d’avoir été choisi dans une compétition qui réunissait uniquement le gratin de la planète Blues. Le résultat est époustouflant car un des titres les plus prisés est celui de meilleur album de blues traditionnels et nous l’avons obtenu haut la main. Quant à une prochaine nomination aux Grammy Awards, l’album « Héritage Blues Orchestra »vient de franchir une première étape et figure parmi la sélection officielle dont seront extraits les nominés. Attendons, la fin novembre pour l’avis définitif.

 

Aulnay All Blues ce n'est pas que des albums mais aussi un festival. Comment se présente l'édition 2012 ?

 

MB- L’édition 2012 est avant tout celle d’un tournant puisque c’est avec la ville de la Nouvelle-Orléans que nous allons entamé une aventure sans précédent.

Sous l’égide d’un partenariat avec la municipalité de la Nouvelle-Orléans et la fondation NOSACONN représenté par son directeur Damon BATISTE véritable ambassadeur culturel de la ville, sera proposé deux créations mondiales ;

  • New Orleans Congo Square International Music Tribute -- avec Russell Batiste & Friends with Special guests Jason Neville, Shaka Zulu Cyril Neville & Donald Harrison

  • New Orleans Father & Sons of the New Millennium avec le légendaire David Batiste accompagné de ses fils Russell, Jamal, Ryan et Damon

En parallèle et toujours en lien avec Chicago, sera produit l’un des albums les plus attendus de la scène Soul de Chicago, celui du chanteur Mike Avery, un live enregistré l’an dernier lors de son passage au théâtre. Il sera des nôtres notamment lors du concert à l’Oréal, scellant ainsi la troisième participation du fleuron de l’industrie aulnaysienne.

Enfin, en marge des actions de sensibilisations en direction de tous les publics (spectacles pour enfants) il nous a semblé opportun de proposer un temps de réflexion sous la forme d’un colloque international. C’est ainsi qu’en partenariat avec le festival Villes des Musiques du Monde autour d’une thématique transversale : les territoires mythiques de la musique, nous aurons l’honneur d’accueillir l’historienne de la musique Freddi Evans Williams (University of Louisiana at Lafayette) dont l’ouvrage « Congo Square, Racines Africaines de la Nouvelle-Orléans » fera l’objet d’une publication pendant notre édition.

 

Aulnay All Blues c’est aussi le trait d’union entre des financements publics et privés, qu’en est-t-il ?

 

MB- Cette année, nous avons dû faire face à plusieurs problématiques financières. C’est ainsi que malgré le soutien affirmé de la municipalité d’Aulnay-sous-Bois dès la première édition, nous avons composé avec la baisse de la subvention municipale de 50%, ce qui est totalement compréhensible dans le contexte de crise générale qui touche également de plein fouet les finances locales. Alors, fort de notre expérience de recherche de financement, nous avons obtenu pour la première fois la participation de la Région-Ile-de France. De nouveau, l’ambassade des Etats-Unis nous octroie un soutien pour l’organisation du colloque mais le partenariat le plus inédit est celui de nos partenaires américains qui investissent près de 25% du budget général du festival. Enfin, l’Oréal reste notre partenaire le plus important et s’engage dans un véritable partenariat dans l’organisation du concert au sein du Campus aulnaysien.

 

Quel est le futur du concept d’Aulnay All Blues ?

 

MB- Nous pensons avec mes deux compères Larry Skoller et Christophe Ubelmann à une création mêlant les sources du Blues et d’autres musiques traditionnelles d’Europe, la musique tzigane d’Europe sous plusieurs formes (roms de Hongrie, flamenco…) et le renouvellement de notre partenariat avec la Nouvelle-Orléans et Chicago…

 

Je vous remercie pour cet entretien et vous souhaite bonne chance pour tous ces évènements à venir.

 

 

Pour info : Festival Aulnay All Blues 2012 du 19 au 24 Novembre 2012, programme sur www.aulnayallblues.com

Publié dans culture

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